Célébration [Terminé]

Ce jour là, c'était un grand jour. Un grand jour que Louison aurait bien voulu éviter, si elle avait pu. Depuis quelques temps, elle avait commencé à assister Félixine dans ses tâches quotidiennes, sans s'exposer au grand public : ses blessures étaient presque guéries, mais pas suffisamment pour que la dryade puisse gambader au quatre coins du palais. Jusqu'à ce moment, elle s'était donc contentée de l'assister sur les tâches les plus simples, et les moins physiques.

Pourtant, quelqu'un avait décrété que malgré ses douleurs aux côtes qui persistaient, elle était suffisamment rétablie pour prendre pleinement ses fonctions. Et Félixine avait donc décidé que la demoiselle à la chevelure verte l'accompagnerait à la réception qui était organisé ce jour là. Ce qui n'enchantait pas la dryade.

Il fallait préciser que Louison avait aussi  un peu de mal à suivre les évènements. On lui avait parlé d'un tournoi de cavalerie. Elle avait donc revêtu, très logiquement, la tenue d'équitation qu'on lui avait fourni. Quelle ne fut pas la réaction de Félixine lorsque Louison arriva dans sa chambre pour l'aider à se préparer, vêtue de cette tenue inappropriée. Elle finit par lui dire d'aller se changer juste avant d'aller à la réception.

Après avoir préparé la noble, Louison retourna donc dans ses propres appartements, et tenta maladroitement de mettre une robe. Elle avait encore du mal avec ses choses là. Mais en prenant bien son temps, elle finit par réussir à avoir une apparence décente, selon les standard de la cour. Elle avait revêtu une robe bustier, la toute première qu'elle ait essayé, et avait pris soin d'y assortir quelques bijoux, de façon assez discrète. En plus de cela, elle avait aussi remonté quelques mèches de ses cheveux avec des perles, et poudré son visage. A première vue, la tenue était donc plus que correcte. Mais Louison avait tout de même apporté sa touche personnelle, puisqu'elle n'avait pas enfilé de souliers. Trop inconfortables.

Pieds nus, elle se dirigea donc vers les jardins, où la fête avait déjà commencé. Au vu du temps qu'elle avait pris pour se préparer, il n'était pas très étonnant que tout les invités soient déjà arrivés. Il fallait simplement qu'elle arrive à se faire suffisamment discrète pour traverser cette foule et retrouver Félixine.

Félixine était bien ravie de sa nouvelle dame de compagnie. Elle trouvait Louison follement distrayante! Ses réactions étaient souvent imprévisibles et cela amusait la princesse. Après tout, sa vie était bien monotone. 

Bien qu'outrée par la tenue d'équitation qu'avait mis Louison, cela l'avait diverti. C'était tellement rafraîchissant d'avoir une âme candide dans ce château ! Tout naturellement, Félixine avait refusé que Louison sorte de cette façon au tournoi et, naturellement, elle lui avait demandé de se changer pour mettre une tenue plus appropriée. 

Félixine était habillée d'une magnifique robe rouge rubis pour se démarquer. Elle avait une tiare ornée de rubis et d'or. La princesse ressemblait à un phenix incandescent. 

Lorsque Louison la rejoint, Félixine était en grande conversation avec un noble visiblement de haut rang qui lui disait qu'il remporterait le tournoi pour elle. Avec un grand sourire, la princesse lui dit qu'il devrait déjà battre ses frères et qu'elle ne se laisserait pas impressionner par un simple tournois remporté. 

Tout d'abord, retrouver une tache rouge parmi la foule. C'était ainsi que Félixine avait été vêtue. Mais pour la dryade, c'était déjà une tâche bien compliquée. La foule était dense, et de multiples couleurs la paraît. Heureusement que la demoiselle était grande, et qu'elle se démarquait donc un peu plus que les autres. Cela permit à Louison de trouver son chemin.

Restait-il encore à l'atteindre. La dryade avait pour but d'être discrète, mais ce n'était pas non plus aisé. Les nobles n'étaient pas vraiment décidés à bouger du moindre millimètre. A quelques reprises, Louison dû jouer du coude, s'attirant par là quelques regards sombres, dont elle ne tint pas compte.

Enfin, la jeune femme aux cheveux verts atteint Félixine. Elle était occupé à parler à un autre noble, et n'eut pas l'air de remarquer l'arrivée de la dryade. Celle-ci écouta donc distraitement la conversation. Que de formules pompeuses pour ne pas dire grand chose. Il lui faisait des avances, mais Louison ne voyait pas vraiment en quoi c'était intéressant ; elle, elle aurait plutôt voulu faire demi-tour devant un tel personnage. La noble n'était pas non plus très intéressée au vu de son attitude et de ses mots. Cela fit rire Louison, et au passage, trahit sa présence.

C'était très spontané. Le rire de la jeune femme tintait, léger, et était entrecoupé de quelques pauses respiratoires, bien qu'il dura moins d'une dizaine de secondes. Ce qui n'empêcha pas les regards de se tourner vers elle. Louison eut la décence de rougir un peu, de gêne, à moins que ce ne fut causé par son rire.

- Vous devriez vous y prendre différemment la prochaine fois, je pense, murmura-t'elle.

Louison ne s'excusait pas, et elle ne prévoyait pas de le faire. Ce n'était pas réellement dans ses habitudes. Surtout qu'il n'y avait pas non plus de raison pour qu'elle s'excuse. Le noble avait pris un risque vain en abordant Félixine, il devait en assumer les conséquences, même si celles-ci étaient liées à une tierce personne.

Félixine se contenta de jeter un coup d'oeil vers Louison pour lui signifier qu'elle avait bien remarqué sa présence. La princesse salua poliement le noble avant de s'éloigner d'une démarche gracieuse. Bien entendu, Louison la suivait.

Après une dizaine de mètres, la princesse se tourna vers la dryade. 

"Vous en avez mis du temps pour me rejoindre, la sermoma-t-elle gentiment. vous apprendez que les hommes de la cours sont de beaux parleurs pleins de promesses et avides de pouvoirs.

Elle soupira.

-Des abrutis. Allons dans la loge réservé à la famille royale. Rassurez-vous, mon frère, Batiste, ne sera pas là. Il participe au tournoi."

A peine Louison eut-elle marmonné sa remarque à l'encontre du noble que Félixine se décida à partir. Elle le salua, restant polie malgré l'ennui apparent qu'il semblait lui inspirer. La dryade ne prit pas cette peine. Elle emboita le pas de la jeune femme, sachant pertinemment que c'était ce qu'on attendait d'elle.

Ensemble, elles fendirent la foule. Cette fois, les nobles s'écartaient pour leur laisser le passage, et leur regard s'attardait sur le duo. Louison ne put s'empêcher de se demander si c'était lié à sa présence au côté de la noble. Même si son simulacre de procès s'était sûrement fait éclipser de la plupart des mémoires par le kidnapping du prince, elle restait une bien étrange compagnie pour Félixine avec ses bois. A moins que ce ne soit simplement le statut de la noble. Elle attirait les attentions déplacées de certains, alors quelques regards de plus, ce n'était pas très étonnant.

Celle ci s'adressa d'ailleurs à Louison. Après sa première remarque, la dryade haussa les épaules. Ce n'était pas comme si elle aurait pu venir plus rapidement, à moins que la noble ne tolère la tenue d'équitation. Ensuite, Félixine réaborda le sujet du noble, avant de réenchaîner, sans laisser le temps à Louison de répondre, sur leur destination. Une nouvelle fois, la dryade haussa négligemment les épaules.

Que le barbare soit là, ou plus loin, cela n'apportait pas grand chose à Louison. Elle aurait préféré qu'il reste entre les mains de ses ravisseurs, où, au moins, il ne pouvait plus menacer sa forêt. Si ça avait été le cas, peut-être que Louison aurait pu, après s'être assurée que personne d'autre n'irait nuire à la nature, retourner dans son bosquet. Sauf qu'il était de retour, libre, effaçant cette idée de l'esprit de la dryade. Elle espérait tout de même que cette capture ait au moins eu l'avantage de détourner l'esprit du jeune homme de ses activités de chasseur, qu'il pense plutôt à se venger au lieu de profaner l'harmonie des bois.

Les deux jeunes femmes continuèrent leur avancée jusqu'à la loge. Quelques pas avant leur arrivée, la dryade prit la parole.

- Je pense que vous devriez tout de même leur faire comprendre qu'ils sont plus qu'incommodants, sinon, vous n'êtes pas prête d'en être débarrassée.

Elle se plaça ensuite suffisamment en retrait pour passer inaperçue, pour qu'une fois dans la loge, elle n'ait à saluer personne. Il y avait encore certaines choses qu'elle n'était pas prête à faire, avec en premier lieu montrer le respect attendu pour cette famille qui s'auto-proclamait royale. Respect que Louison était bien loin d'avoir : Félixine lui avait sauvé la vie, mais pas ses parents ni ses frères, au contraire.

Félixine avait beau être maligne et manier l'art de la diplomatie avec un très bon niveau, elle ne pouvait pas se permettre d'envoyer balader un noble venant lui adresser la parole et encore moins ci ce dernier tentait de la flatter.

"Si seulement je pouvais parler plus librement."

Et agir plus librement. Félixine se sentait emprisonnée dans une cage dorée. Elle savait que son frère, Mathurion, se sentait comme elle. Lui aussi, il aurait préféré une vie plus modeste et plus loin du centre du pouvoir. 

"Je vous envie, Louison, de pouvoir être aussi franche."

Les deux femmes arrivèrent à la loge royale. Les roi et la reine étaient déjà installés. Ils ne prêtèrent aucune attention à Félixine et sa dame de compagnie. 

Félixine s'installa à la place qui était la sienne, Louison à ses côtés.

"Connaissez-vous l'art du tournois?"

Après avoir discrètement reculé son siège de quelques pas, pour être sûre de ne pas se faire remarquer, Louison écouta la question de son interlocutrice.

- De ce que j'ai compris, ce sont des hommes, à cheval, qui s'affrontent à cheval pour prouver au monde qu'ils ont la plus grande et la plus puissante ...

La dryade marqua un instant de silence, comme pour chercher ses mots, avant de terminer :

- Monture.

En disant cela, Louison était un peu amère. En un sens, elle aurait bien voulu participer à ce tournoi, qu'au départ, elle pensait ouvert à tous. Pas par volonté de gagner, elle avait conscience que n'étant jamais monté à cheval, ses capacités équestres étaient inexistantes, mais plutôt par goût du jeu. Quitte à être coincée parmi tous ces nobles, autant essayer de profiter de la vie à leur façon.

Elle reprit la parole, en levant vaguement les yeux au ciel.

- Et pendant ce temps, vous restez derrière, à agiter votre foulard, laissant croire à chacun que vous offrirez votre cœur au gagnant.

Il était par contre hors de question que Louison face cela. Comme si elle pouvait ne serait-ce que faire croire qu'elle offrirait ne serait-ce qu'un sourire aux concurrents, qui étaient probablement tous des chasseurs comme le frère de Félixine. Les affronter, ça pas de problème, mais le reste, hors de question.

La princesse regarda sa dame de compagnie. Elle eut un drôle de sourire lorsque Louison lui expliqua les règles du tournois. Cette demoiselle se rendait-elle compte du sous-entendu qu'elle avait pu faire ? Sûrement pas! Cela rendait les choses assez cocaces.

Elle prit un air sévère, toutefois, lorsque Louison lui expliqua comment elle avait compris son rôle, à elle.

"Vous avez bien saisi les règles d'un tournois. Toutefois, vous vous fourvoyez sur mon rôle. Je représente la couronne. Le roi et la reine ne sont pas bien loin. Je ne suis pas un trophée et je n'offrirai certainement pas mon coeur à un gagnant quelconque. Je peux même vous dire qui remportera ce tournoi.

Elle regarda les concurrents qui mettaient leurs armures. Elle indiqua à Louison deux hommes.

-Oh le premier, vous le connaissez, c'est mon frère, le prince Batiste, héritier de la couronne. Le second que je vous montre, c'est mon plus jeune frère, le prince Mathurion. Il a été longuement absent, faisant la guerre à notre frontière. Vous n'avez jamais dû le rencontrer.

Mathurion était plus petit que Batiste, avec un visage encore un peu enfantin. C'était toutefois un jeune homme et il avait une allure martial. 

-Soyez sûre, chère Louison, que ce sont eux qui s'affronteront en finale. Ensuite, pour le gagnant.... je serais tenter de dire Mathurion puisqu'il a l'art de la guerre... Mais Batiste n'est pas sot et sait parfaitement manier les armes. Qui aimeriez-vous voir gagner?"

Un des sourcils de Louison se souleva dans un mouvement d'étonnement feint, tout en parcourant la foule des chevaliers du regard.

"Vous devriez peut-être leur redire alors. Il semble assez clair que l'homme de tout a l'heure semble persuadé du contraire. Et je suis sûre qu'il n'est pas le seul."

Elle attarda ensuite son regard sur les deux jeunes gens que Félixine désignait. Malgré les armures qu'ils revêtissaient, la dryade parvenait à distinguer leurs traits, et les similitudes qui permettaient de les identifier comme frères.

"Enfin. Si vous dites que se sont eux qui sortiront gagnants du tournoi, effectivement, pas de soucis à vous faire sur le sujet du mariage."

Elle prit ensuite le temps de réfléchir a la question de son interlocutrice. Batiste, gagnant ? Non elle ne le souhaitait certainement pas. Le chasseur semblait avoir une bien trop grande estime de lui, qu'une victoire ne ferait que renforcer.

Et l'autre frère, Mathurion ? Elle ne le connaissait pas. Mais déjà, si c'était un guerrier dans l'âme, cela ne promettait pas forcément de bonnes choses. Louison ne savait pas beaucoup de choses des champs de batailles, si ce n'est que son peuple les évitaient autant que possible. Trop de morts, que ce soit parmi la faune ou la flore. Et cela ne faisait que croître. La dryade avait ouïe dire qu'il existait désormais des machines de guerre tels des lance-pierres géants, capables de fracasser le tronc d'un arbre à quelques centaines de mètres. Alors elle avait du mal à croire qu'une fois rentrés au pays, les guerriers perdaient leur instinct meurtrier.

Elle fit tourner une mèche de cheveux autour de son doigt.

"Pour répondre à votre question, et être tout à fait honnête, je préférerais que cela soit un illustre inconnu. Un jeune homme, puisque ça ne peut rien être d'autre, dont ce serait le premier tournoi, sur qui personne n'aurait jamais misé et qui ne rêverait que d'une chose : faire ses preuves."

A nouveau, le regard de Louison se perdit parmi les concurrents, et plus particulièrement sur ceux qui prenaient place sur la zone d'affrontement. Y en avait-il vraiment un qui correspondait à sa description ? Elle n'y croyait malheureusement pas.

Félixine était sûre d'elle. Un de ses deux frère gagneraient le tournoi. En plus d'être de bons combattants, les nobles voulaient quand même se faire bien voir... et laisser un prince gagner était une bonne occasion pour certains de monter dans leurs estimes... Même si, Félixine doutait qu'en agissant de la sorte, un noble s'accapare la sympathie d'un de ses frère. La princesse remarqua une jeune femme tatouée aux cheveux rouges en train d'aider Mathurion à vêtir son armure. Cette rouquine magique tournait autour de Mathurion depuis bien longtemps... Avant même que ce dernier ne connaisse l'horreur de la guerre. Il n'en montrait rien mais Félixine savait que son petit frère n'était plus le même. Il avait souffert du champ de bataille. Mathurion était un artiste, un rêveur.... Et il avait changé.

En entendant la réponse de Louison à sa question, Félixine sourit.

"Vous êtes bien naïve... Ce genre de choses n'arrivent que dans les contes de fées.

Et cette vie n'avait rien d'un conte. 

Le tournoi commença. Les combats n'étaient pas si violents... Enfin, moins que ce que l'on pourrait penser. Les combats s'enchaînèrent jusqu'à la finale opposant les deux princes. Félixine avait vu juste. Elle s'ennuyait ferme jusque là.

Mathurion et Batiste se faisaient face. Le second attaqua ardemment tandis que le premier se contentait de se défendre pendant un moment avant d'attaquer à son tour. Batiste fut un peu déstabilisé par les nouvelles offensives de son frère. Toutefois, il se reprit rapidement. Batiste n'allait pas faire la bêtise de sous-estimer son frère. Il savait parfaitement que Mathurion avait combattu sur un champ de bataille, qu'il avait dû ôter des vies et qu'il avait gagné en dextérité et en art du combat à l'épée. Cependant, la différence entre Mathurion et Batiste résidant en leurs limites. Mathurion n'irait pas jusqu'à infliger une blessure grave voire mortelle  à son aîné. Batiste, lui, n'hésiterait pas à blesser son frère pour gagner. Mathurion avait de la retenu dans ses attaques, l'héritier du trône en avait conscience. Il s'en servit pour gagner le combat. 

A la victoire de Batiste, la foule de nobles se mit à scander son nom, le nom du vainqueur. 

Félixine n'avait pas perdu une miette du combat.

"Dans un combat à mort, sur un champ de bataille, Batiste aurait perdu la vie. Mathurion serrait sorti vainqueur."

Elle avait un sourire presque tendre. La princesse était rassurée de voir qu'un moins un de ses frères n'avaient pas perdu la tête dans les combats. Cela la rassurer de constater que Mathurion n'était pas sanguinaire.