• C'est cela. Parle encore.


    Vendredi 26 Avril à 18:14
    Chyropée

    Il était toujours particulier pour Louison de quitter un arbre avec lequel elle venait de communier. Pas tant pour la rupture de ce lien qu'elle avait tissé avec la plante, mais parce que le temps, son contact avec la réalité, était, dans ces moments là, totalement rompu. Comme si la dryade sortait d'un long sommeil. Elle rouvrait les yeux, faisait face au monde extérieur, et devait réintégrer la réalité dans son esprit.

    Ce jour-là, pourtant, ce fut sans doute un peu moins compliqué. Et ce, malgré le fait que la première chose qu'elle vit était le palais, et non son bosquet, comme elle en avait l'habitude lorsqu'elle retournait à son saule. La réalité, au sens le plus concret du terme. Mais, finalement, cela restait bel et bien plus simple. Parce que contrairement aux fois précédentes, c'était un soulagement de revenir dans un état convenable. Elle se souvenait parfaitement de la façon dont elle était, avant d'entrer en communion. Ses pas vacillants, sa nausée ... Il n'y avait pas à dire, c'était mieux ainsi.

    Louison parcourut rapidement du regard les jardins autour d'elle. Le soleil avait entamé sa redescente du ciel. Il n'y avait pas grand monde. C'était probablement la fin d'après-midi. Il faisait nuit la dernière fois. La dryade réfléchit un instant. Probablement avait elle passé une journée et demi dans l'arbre. Cela semblait le plus cohérent, au vu de son état de fatigue. Elle inspira, et passa sa main, qui avait retrouvé une teinte normale, sur le tronc, comme un dernier au revoir. Et puis, elle se pencha pour récupérer la cape, dans la pile de tissu abandonné au pied de l'arbre. Batiste les avait probablement abandonné là suite à la fusion de Louison avec le tronc. Elle s'en drapa, et retourna vers le palais. Il était temps qu'elle reprenne son rôle.

    La jeune femme ne tenta pas particulièrement de se cacher. Toutefois, elle n'alla pas non plus afficher haut et fort sa présence dans tous les recoins du palais. Si elle pouvait encore profiter de quelques moments paisibles, elle le ferait. Elle retourna vers ses appartements, empruntant plutôt l'entrée des domestiques ainsi que les petits couloirs. Et de là, elle reprit soin de se préparer, se pomponner, et vêtir une robe adaptée aux circonstances. Elle n'avait pas oublié. La fiancé parfaite en public. Qu'importe les disgressions de leurs états respectifs, à Batiste et elle ; il avait voulu les faire taire. Très bien. Louison, telle qu'elle sortait de l'arbre, ne gardait aucun stigmate de ce moment de faiblesse. Mieux, elle était rayonnante.

    Elle avait cependant mal calculé son horaire. Lorsque les cloches annonçant l'heure du diner résonnèrent, la dryade n'était pas encore prête. Ainsi, lorsqu'elle arriva devant, les portes de la salle étaient déjà refermées. Le garde qui les surveillait lui fit comprendre qu'entre son absence et son retard, on ne l'attendait probablement plus. Louison haussa les épaules. Tant pis, elle se ferait remarquer alors. La perfection, ce n'était pas encore tout à fait ça. Le garde poussa les portes, et Louison s'avança. Elle eut au moins la décence de simuler un air penaud, alors qu'elle effectuait un légère courbette.

    "Je vous prie d'excuser mon retard. Les contraintes d'être une dryade."

    Et puis, comme si de rien était, elle rejoint la place qui lui était destinée, au côté de son fiancé.

    Vendredi 26 Avril à 23:12
    Snowy Emerald

    La nuit où Louison avait communié avec l'arbre, Batiste l'avait attendu... les minutes avaient commencé à passer... Puis, une heure s'était écoulée. Deux heures... Trois heures... Trois satanées heures que Batiste était dans le froid ! Il attendait comme un imbécile devant un chêne que la dryade en ressorte. Louison n'avait donné aucune information que le temps qu'elle pouvait passer à communier.

    Batiste finit par perdre patience. Il n'allait pas y passer la nuit ! Surtout qu'il n'avait aucune assurance qu'elle ressorte avant le levé du jour ou le lendemain. Batiste était en colère. Il se releva et laissa les affaires de Louison au pied du chêne. Il reprit le chemin vers sa chambre, en sens inverse. Il fut facile pour le prince de retourner dans sa chambre car il avait laissé la fenêtre ouverte. Une fois qu'il fut dans ses appartements, Batiste referma sa fenêtre. Ce geste eut pour effet de réactiver les barrières magiques empêchant les intrusions. Le prince enleva sa chemise déchirée. Estimant que c'était réparable, il ne la jeta pas.

    Le lendemain, le prince ne vit aucun signe du retour de Louison. Il passa près du chêne pour l'observer en plein jour, tenter de voir un signe de la dryade. Rien de rien.... C'était époustouflant.

    « Louison ? Est-ce que vous m'entendez ? »

    Aucune réponse. Il ne savait pas si la dryade était capable de le voir ou l'entendre... Si c'était le cas, cela serait très intéressant de recruter des dryades en tant qu'espions.

    Avant qu'on ne le pense fou à s'adresser à un arbre, Batiste se remit en chemin. Il ne força sur les exercices physiques durant la journée.

    En revanche, profitant de son temps libre pour se rendre dans la bibliothèque royale. L'objectif du prince était simple : se renseigner les dryades. Batiste ne pouvait pas connaître toutes les caractéristiques des espèces non humaines vivant à Alqualis. Il avait appris les mœurs des espèces les plus représentées, notamment dans la noblesse. Les dryades étaient des créatures qui, pour la plupart, vivaient loin des villes. Sans parler de peuple marginale, il ne représentait pas une grosse partie de la population et n'était pas au cœur de revendications spécifiques. Sauf Louison et son satané bosquet dont elle n'avait rien d'autre en tête. Puisque le prince avait pris une de ses créatures comme fiancée, il semblait plutôt naturel qu'il se renseigne sur les spécificités de Louison. Peut-être même apprendrait-il des informations qu'il pourrait utiliser contre elle si jamais elle décidait de montrer les bois ?



    Le prince, une fois dans la bibliothèque se mit à la recherche d'ouvrages sur les dryades... Et il n'y en avait pas tellement. Batiste passa un certain temps à trouver des ouvrages parlant du sujet. Il en dénicha trois.

    Cependant, Batiste n'eut pas le temps de les lire directement. Ses obligations de prince l'attendaient. Et il n'eut pas le temps de les ouvrir avant le retour de Louison.

    C'était le second dîner... Et toujours pas de Louison. Batiste commençait réellement à croire qu'elle s'était enfuie. Et cette pensée ne le réjouissait pas du tout. Alors que le dîner avait commencé dans une ambiance toujours aussi morne, Louison fit son apparition... En retard.

    Batiste la fixa. Elle arrivait comme une fleur, gagnant sa place à côté de lui. Il était abasourdi par son culot. Elle apparaissait comme cela !

    « Vous nous honorer enfin de votre présence. Vous êtes en retard, c'est inconvenant pour une princesse. Soyez à l'heure la prochaine fois, persiffla la reine avec un certain mépris.

    -Mère.. Ce sont de grands changements, tenta Batiste.

    -Si elle n'avait pas les épaules pour, il ne fallait pas la choisir. »

    La reine ne mâchait pas ses mots et parlait comme si Louison n'était pas dans pièce. Félixine ne fit rien pour prendre la défense de Louison. Après tout, elles étaient toujours en froid. Le roi semblait détaché de tout cela. Et Batiste, et bien, Batiste était Batiste. Il avait le yeux rieurs.

    « Encore bienvenue dans la famille royale, Louison. »

    Samedi 27 Avril à 17:33
    Chyropée

    L'accueil n'était bien évidemment pas des plus bienveillants. Louison ne s'attendait pas à autre chose. D'autant qu'au final, on lui reprochait simplement son retard, et pas l'absence de presque deux jours. Elle ne répondit rien, s'étant déjà justifiée. Et pourtant, nombre de provocations traversaient son esprit. Mais ce n'était pas le moment approprié. Pour l'instant, il fallait qu'elle tente de se montrer irréprochable. Alors, elle garda son hypocrite sourire innocent sur le visage, et se laissa servir.

    Pourtant, elle ne tarda pas à reprendre la parole, cette fois à destination de Batiste uniquement. Faisant mine d'être flattée, elle lui adressa un sourire plus grand encore.

    "Comme c'est prévenant de votre part de tenter me défendre."

    Un élément de plus en sa faveur, des paroles qu'elle retenait pour s'en servir ensuite. Il s'inquiétait pour elle, la défendait. A ce niveau là, il ne manquait plus qu'à ce qu'il lui offre sa forêt. Louison ne comprenait pas ce qui poussait Batiste à réagir ainsi, mais cela importait peu. Elle savait que s'en servir contre lui l'énerverait. Il lui facilitait presque la tâche.

    "Mais votre mère a raison. Il serait regrettable que vos bons sentiments à mon égard vous ai poussé à me choisir au dépend de votre raison et de votre sens de la royauté. Enfin, ne vous en inquiétez pas. Je mettrais tout en œuvre pour  que ce qui vient de se passer ne se reproduira pas."

    Autrement dit, Louison appuyait sur les paroles de la femme pour les retourner contre Batiste. Comme s'il était responsable de son retard. C'était surtout un moyen de lui dire, de manière indirecte, qu'il était stupide de l'avoir choisie. La dryade ne comptait pas lui faire de cadeau, qu'importe qu'il l'ai aidé lorsqu'elle avait besoin de se régénérer. Elle lui promit d'être pire que de l'aconit. Son attitude hypocrite, faussement idéale n'était là que pour tromper la cour, pour éviter qu'il puisse se servir de sa mauvaise réputation contre elle.

    Et si elle pouvait retourner tous les faux pas qu'elle ferait contre le jeune homme, comme elle venait de le faire, elle ne s'en priverait pas. En ce sens, la matriarche, malgré son mépris évident pour Louison, l'aidait presque. Le reste, la dryade s'en moquait. Cela ne la touchait. Elle ne restait avec cette famille uniquement car, pour protéger sa forêt, elle ne voyait d'autres possibilités.

    Samedi 27 Avril à 22:31
    Snowy Emerald

    Louison avait beau tenté de discréditer Batiste par rapport à son choix aux yeux de sa famille, il restait l'héritier de sang. Il restait le fils des souverains. Le dernier fils. Et ses parents n'avaient certainement pas envie de perdre celui qu'il leur restait. Alors, le roi et la reine avaient été forcé d'accepter Louison par leur fils. Un autre argument venait s'ajouter quant au choix de Batiste sur Louison : c'était un régal de contrarier ses parents. Il n'était pas le petit prince parfait comme son cadet disparu. Il avait toujours été l'enfant rebelle et dont il fallait se méfier. Ce n'était pas pour rien que le roi l'avait désigné, et non Félixine ou Mathurion, pour intégrer les rangs des rebelles qui voulaient renverser la couronne. Batiste avait adoré jouer les agents doubles... au début... Et puis, les choses avaient dégénéré et il en gardait de mauvais souvenirs, de terribles souvenirs de cette période. Il était revenu. Dans la version officielle, il n'avait été qu'enlevé par les rebelles. C'était loin de la réalité. Il avait repris sa vie de prince. Toutefois, il s'était calmé, il s'était rangé, plus ou moins, pour correspondre à ce qu'on attendait de lui. Il avait réellement commencé à prendre son rôle d'héritier au sérieux. Batiste n'approuvait pas nécessairement les manières de gouverner de ses parents. Ce n'était pas ce genre de roi qu'il voulait devenir. Ce n'était pas une reine comme sa mère qu'il voulait à ses côtés. Est-ce qu'il monterait sur le trône avec Louison comme reine ? C'était difficile à dire. Les changements étaient toujours possibles. Est-ce qu'il voulait de Louison pour régnait à ses côtés ? Elle possédait des avantages. Avec la parade, elle avait pris partie. Elle avait fait le choix du visage qu'elle utiliserait : celui de la princesse du peuple. Et plutôt que de plaire aux nobles, de chercher à s'intégrer dans cette société qui n'était pas la sienne, le choix du peuple était le plus stratégique. Batiste était satisfait. Louison n'était pas une écervelée, ni un tyran, sauf avec lui.

    Avec un regard mielleux à souhait, il sourit à l'adresse de Louison :

    « Il serait goujat de ma part de ne pas me ranger du côté de ma douce fiancée.

    Elle aurait intérêt à faire de même, du moins, en public. Sinon, elle passerait pour la princesse qui ne chérissait pas son prince alors qu'il se pliait en quatre pour lui plaire... Du moins, toujours en apparence et en public.

    Félixine était sur les nerfs. Elle ressemblait à une statue de pierre. Louison avait obtenue le titre de princesse quand ses parents avaient fait exilé l'homme que la princesse aimée, sous prétexte qu'il n'était pas issue d'une noble lignée. Et il avait péri. Qu'est-ce qui avait changé depuis pour qu'on accepte le choix de son frère ? Il n'avait pas laissé le choix justement.. Mathurion était mort et d'autres arguments devait s'ajouter à la liste. Mais pour la princesse, c'était injuste. Elle en voulait terriblement à ses parents, à sa famille. Ils vivaient dans l'opulence et l'égoïsme.

    -Nous n'avons pas encore fêter dignement vos fiançailles. Maintenant que le peuple vous a acclamé durant la parade, c'est au tour des nobles d'avoir droit aux présentations de votre... couple, déclara le roi.

    Même s'il semblait plus mesuré que la reine dans ses propos, il était évident qu'il était dubitatif concernant Louison. Le mépris n'était pas présent comme chez la reine.

    -Un bal en leur honneur ? demanda Félixine.

    Il était difficile pour Batiste de se maîtriser face à sa sœur. Il la savait derrière l'attaque de la parade. A chaque fois que la princesse prenait la parole, son frère resserait sa prise sur ses couverts. Patience.. Il ne pouvait pas régler ses comptes directement. Il n'avait pas eu l'occasion de parler en privé avec sa sœur.

    -Bien sûr. Il faut un bal pour célèbrer cette réjouissante nouvelle, commenta la reine. Vous ne savez pas danser, évidement ? »demanda la reine à l'adresse de Louison avec un mépris à peine dissimulée.

    Félixine se porta volontaire pour apprendre les danses réservées aux événements tels que des bals. La mâchoire de Batiste se contracta.

    « N'est-ce pas une merveilleuse idée, cher frère ?

    L'air innocent de Félixine agaça au plus au point Batiste.

    -Merveilleuse, en effet. »

    Qu'est-ce qu'elle mijotait encore ?

    Les dîners étaient soit un moment divertissant pour Batiste soit une épreuve. Ce soir, c'était la seconde option.



    A la fin du repas, alors que chacun repartait de son côté, Batiste apostropha Louison.

    « N'avez-rien à me dire ? »

    Il attendit patiemment qu'elle lui réponde.



    Lorsque Louison retournerait dans sa chambre, une surprise l'y attendrait. Batiste avait cru que cela aurait été installé plus tôt. Dans la chambre de la dryade, plusieurs plantes en pots ont été installées. Des plantes vertes et des plants donnant des fleurs. Mais le plus impressionnant était sans conteste un grand citronnier dans un énorme pot dans un coin de la pièce. Il était un peu plus grand que Louison, pile la taille dont elle avait besoin pour pouvoir communier.

    Mercredi 1er Mai à 19:51
    Chyropée

    Le pic que Louison avait eu l'audace de lancer à Batiste passa inaperçu, sans doute masqué par toutes les frivolités dont elle avait paré sa phrase. C'était un bonne chose. Elle ne le faisait pour retourner les autres contre lui, mais simplement pour l'attaquer, lui. Et elle n'avait nul doute que le jeune homme avait assurément saisi le sous-entendu, lui. Cela lui suffisait.

    Par la suite, la conversation dériva. S'attardant toutefois encore un peu plus sur la dryade et, en l'occurrence, le couple qu'elle formait avec Batiste. Après la parade pour le peuple, les voilà qui proposaient un bal pour la cour. Louison retint une grimace. Elle n'avait pas oublié le semblant d'humiliation de la dernière fois. Ce qui était passé pour une dame de compagnie ne passerait pas pour la fiancée de Batiste. La demoiselle aux cheveux verts n'en avait que trop conscience. C'était d'ailleurs pour cela qu'elle avait demandé, juste après l'annonce des fiançailles, l'aide de Félixine. Sans que cela n'ait jamais eu lieu, au vu de la distance qui s'était établie entre les deux jeunes femmes. Ce n'était pas important. Elle se battrait s'il le fallait, mais elle surpasserait cette faiblesse. Et écraserait le pied de Batiste au passage, mais pas par maladresse, cette fois. Elle ne lui ferait pas ce plaisir.

    Elle redressa les yeux, brisant un instant son masque d'innocence pour laisser entrevoir sa détermination.

    "Cela importe peu. Je saurai le faire pour le bal. Votre aide sera bienvenue, Félixine."

    Louison adressa un léger sourire à l'intéressée. Elle n'avait pas idée de ce qui se tramait entre la fratrie. Pour elle, Batiste restait coupable de tout. Sa sœur, elle, avait simplement trahi la maigre confiance que Louison avait placé en elle, privilégiant son frère à celle qui tentait d'être une amie. En ce sens, sa proposition d'aider Louison à apprendre lui semblait bienvenue et bienveillante. La dryade ne la repousserait pas. Même si elle ne lui faisait plus confiance.

    Sur ces mots, elle se replongea dans son repas, prêtant distraitement attention aux divagations de la famille autour de la table. Rien de très profond, de très utile. A leurs côtés, Louison faisait bonne figure, et tentait de ne pas commettre d'impair. C'était bien assez. D'autant que l'attention s'était détournée d'elle. Elle n'allait pas l'y ramener. Cela aurait été contre-productif. Tout du long, elle se contenta donc de garder un sourire de façade, et d'hocher la tête à quelques moments opportuns.

    Jusqu'à ce qu'enfin, ce repas en petit comité se termine. Tour à tour, chacun des occupants se leva, et quitta les lieux. Louison n'en avait pas totalement fini, elle. Au delà du repas, c'était une idée, une suite à la conversation du début qui avait germé en elle. Elle s'élança à la suite de Félixine, avant d'être interrompue par le barbare. Ce n'était pas le moment. Elle haussa un sourcil, et rompit une fois de plus son masque d'ingénue pour trahir son agacement. Il n'y avait personne autour d'eux. Elle n'avait pas à jouer la comédie.

    "Parce que je devrais ?"

    Ce n'était pas le moment de lui ressortir les piques qu'elle avait préparé. Les accusations quand à la manière dont il s'était inquiété pour elle. Ou les demandes d'explications dont elle avait besoin. Il ne lui répondrait pas. Il valait mieux qu'elle occupe son énergie à quelque chose de plus productif. Alors, elle se détourna, et reprit ce qu'elle avait entrepris, en interceptant, quelques pas plus loin, la noble qui venait de se porter volontaire pour lui enseigner la danse.

    "Félixine ! Seriez-vous d'accord pour que l'on commence dès maintenant ces leçons de danse ? Nous savons toutes deux qu'il y aura pas mal de travail à fournir. Plus vite nous aurons commencé, meilleur sera mon niveau pour le bal. C'est dans l'intérêt de l'image de votre famille."

    Elle reprenait ses mots, pour tenter de la convaincre. C'était honnête, après tout. Il y avait bel et bien du travail. Et Louison, parce qu'elle sortait de sa communion avec le chêne, avait toute l'énergie nécessaire pour le fournir.

    Mercredi 1er Mai à 22:40
    Snowy Emerald

    Batiste pouvait se féliciter d'être capable de faire passer si rapidement Louison du visage angélique à l'agacement. Cependant, il s'attendait à un minimum de reconnaissance de sa part après ce qu'il avait fait la concernant. Il l'avait, quand même, aidé à aller jusqu'à un fichu chêne pour qu'elle puisse retrouver ses forces. Il avait donné des directives très claires concernant l'aménagement de la chambre de la dryade de manière à ce qu'elle n'ait pas à revivre cela. Il avait... essayé d'être gentil. De faire un geste, plus ou moins, désintéressé. Un simple « merci » plutôt que cette moue agacée aurait été de rigueur. Oh ! Il ne l'avait pas fait pour qu'elle le remercie ou se sente redevable. A vrai dire, il ne s'était pas réellement attendu à des remerciements. Batiste avait plutôt pensé qu'elle lui dirait si l'agencement lui convenait et qu'elle se calme un peu concernant sa méfiance et ses ressentiments envers lui. Au vu de sa tenue, elle était nécessairement passée par sa chambre. Louison n'avait pas pu rater les végétaux. Ce que le prince ignorait, c'est qu'ils avaient été installés après que Louison ait pris le chemin de la salle de dîner.

    Félixine n'était, effectivement, pas bien loin. Elle n'avait pas entendu la conversation entre son frère et sa fiancée... Mais le peu de temps qu'elle dura indiqua suffisamment à la princesse qu'ils n'avaient parlé de rien d'important. Et elle doutait qu'ils se soient échangé un mot tendre.

    « Maintenant ? demanda avec surprise la princesse.

    Le dîner était passé et ce n'était plus l'heure pour ce genre d'activités. Félixine rejoignait cependant la dryade concernant le fait qu'il y aurait du travail. La fois où elle avait dansé n'avait pas été très brillante. Félixine y avait prêté naturellement attention.

    -Ce n'est pas une heure bien conventionnelle pour la danse. Surtout que nous venons de manger... Mais si vous êtes aussi empressée d'apprendre à danser, je peux bien revoir mes plans de la soirée. »

    Félixine avait mis son ressentiment de côté. Elle avait fait un pas vers la dryade en lui proposant de l'aider et Louison venait d'en faire un pour venir la chercher. La princesse devait bien saisir cette opportunité de retrouver sa proximité avec la dryade.

    « Nous nous retrouvons dans vingts minutes dans la salle du petit apparat. Et... Louison, vous aller devoir vous entraîner à porter un corset. »

    Elle ne pourrait pas passer outre cet accessoire que toute noble devait arborer. Elle finirait bien par s'y faire.

    Félixine n'avait aucune malice concernant sa proposition. Mais laisser croire à son frère qu'elle avait une idée derrière la tête était assez délectable. En plus, la princesse voulait quand même que sa famille ne se couvre pas de ridicules avec une future reine incapable de connaître les danses de salons. Louison avait du chemin à parcourir. Et Félixine devait bien reconnaître, tout comme son frère, qu'elle ne voulait pas voir l'apparence de sa famille entachée.

    Dimanche 5 Mai à 21:45
    Chyropée

    Un léger rire s'échappa des lèvres de Louison. Elle adressa un léger clin d'œil à son interlocutrice, avant de lui répondre, sur le ton de la confidence. Batiste, qu'elle venait de quitter, restait non loin. Et même si la dryade savait que son attitude à l'égard de sa sœur l'agacerait, ce n'était pas pour autant qu'elle voulait qu'il entende ses paroles. Après tout, s'il avait surpris la dryade au bord du lac lors de leur voyage, il ne savait pas pour quel motif elle y était. Quelques soient les ressentiments de la dryade, elle n'allait pas dévoiler ce secret qui appartenait à Félixine.

    "Pour la nage non plus. Et pourtant, nous l'avons fait."

    Les convenances, la dryade s'en moquait. Elle l'avait déjà bien montré. Et si désormais, elle tentait vaguement de les suivre, ce n'était que pour la forme. Lorsque ce n'était pas dommageable, elle préférait reprendre ses habitudes rétives.

    Puis Félixine accepta sa demande, lui donnant rendez-vous un peu plus tard. Louison acquiesça. Quand à la deuxième partie, celle sur le corset, la dryade ne le releva pas. Un jour, peut-être, elle ferait l'effort nécessaire. Le problème n'était pas tant de porter un corset, mais que quelqu'un l'aide à le mettre . Louison ne supportait pas cette idée. Elle aimait son indépendance, et cela se ressentait jusque dans les choix de ces vêtements. En dehors de l'absence de corset, le reste était plus subtil. Cela n'empêchait : tout ce que Louison portait, elle l'avait vêtu seule.

    La dryade s'éloigna. Elle avait vingt minutes à faire passer. Certainement pas en mettant un corset. Elle prit tout de même la direction de sa chambre. Parce qu'elle n'avait rien d'autre à faire.  Et ce fut à cet instant qu'elle y découvrit une nouvelle décoration. En plus des meubles qu'elle avait réanimé à sa manière, et du monticule de terre où poussaient désormais les fleurs de ses cheveux, de la parade ainsi que la belladone, il y avait aussi de nombreuse plantes en pot.

    Louison resta interloquée quelques secondes. Qu'était-ce que cela ? Des plantes en pot ? Et puis quoi encore ? Les racines avaient besoin de place pour s'épanouir. Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher de penser que l'attention était avant tout bienveillante. Il était évidemment que de lui offrir des plantes, même si cela paraissait insensé à la dryade qui chérissait leur liberté, était pour les humains un geste de bonté.

    Et puis, elle repéra le citronnier. Cela lui donna un indice. Deux jours après qu'il ait appris qu'elle devait se régénérer, cela ne pouvait être que lui. Batiste. Elle grimaça. Venant de lui, elle ne pouvait s'empêcher de voir disparaître toute la bonté de l'action. Il devait avoir une idée en tête, encore. C'était Batiste, après tout. Un barbare. Il ne connaissait pas la bienveillance. Louison regarda les ports quelques instants, et se dirigea vers les plus proches d'elle.

    Qu'importe les idées que Batiste avait derrière la tête, cela restait des plantes. Elle ne pouvait les rejeter. Elle fit donc ce qu'elle savait faire de mieux, en prendre soin. Et elle dépota le ficus le plus proche, avant de le poser sur terre, et d'inciter ses racines à se planter dans le sol de la chambre, comme elle l'avait avec ses propres meubles, ou encore le lit de Batiste. Ce n'était pas aussi nourrissant que la terre extérieure, mais les plantes pourraient y trouver quelques nutriments, comme l'aurait fait un lierre envahissant. Louison fit de même avec les deux plantes suivantes, avant de réaliser que le temps courrait. Il fallait qu'elle retrouve Félixine.

    Sans se soucier de la terre sous ses ongles, elle retourna vers la salle d'apparat. Elle reprendrait ses plantations ensuite. Pour le moment, une leçon de danse, tout aussi contraignant que cela lui paraisse, l'attendait.

    Hier à 18:18
    Snowy Emerald

    Si Louison était sur ses gardes avec le prince, son comportement était bien plus jovial et amical avec sa sœur. Cela eut le don de taper sur les nerfs de Batiste. Félixine, il en aurait mis sa main à couper, était celle qui avait tenté de l'empoisonner il y a quelques jours. Ce n'était peut-être pas exactement elle... Félixine avait dû payer un mercenaire pour faire le sale boulot. Il en était persuadé. Et Louison rigolait avec elle. Il grinça des dents.

    Félixine sourit à l'évocation du cours de natation.

    « En effet. »

    Les convenances n'étaient pas le fort de Louison. Cependant, il y a certaines traditions ou codes qu'elle allait devoir supporter et apprendre. Après, libre à elle de trouver une pirouette pour les esquiver ou jouer avec l'étiquette.

    En voyant sa sœur et Louison partir, Batiste fit de même. Il n'allait pas les espionner toute la nuit non plus. Il avait tenté de mettre en garde Louison et elle ne l'avait pas écouté. Du moins, pas pour le moment et il doutait que Félixine fasse quoique ce soit contre la dryade. Pas ce soir du moins. Il regagna sa chambre avec contrariété, les dents serrées et grinçantes. Il n'était pas encore tout à fait remis et s'il faisait bonne figure en public, il s'écroulait sur son lit dès qu'il en avait l'occasion. Ce soir ne faisait pas exception.



    Félixine était déjà dans la salle d'apparat, attendant Louison. Elle s'était changée et avait attaché ses cheveux afin qu'ils ne la gênent pas.

    « Ah ! Louison ! Vous voilà.

    La princesse inspecta du regard la dryade et fronça les sourcils. Elle n'était satisfaite de ce qu'elle voyait.

    -Qu'est-ce que cela ? Vos mains ! S'étouffa Félixine avec horreur. Elles sont pleines de terres ! Qu'avez-vous fait ?! Ce n'est pas l'heure de faire du jardinage. Allez vous laver les mains immédiatement ! »

    Félixine refusait catégoriquement de commencer la première leçon de danse tant que les mains de Louison n'étaient pas propres. Elle se pinça l'arrête du nez. Il y avait du boulot mais la princesse n'avait pas pensé qu'elle devrait reprendre Louison sur l'hygiène de ses mains. Elle était princesse ! Une princesse ne se présentait pas les mains pleines de terre.

    Félixine attendit donc que Louison revienne, les mains propres. La princesse les inspecta.

    « Bien. Nous pouvons commencer. Bon, que connaissez-vous comme danse ? Cela sera déjà un bon début de dresser la liste de vos connaissances. »




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