Don't even dare threaten my wood.

Les épaules de Louison se haussèrent brièvement.

"Vous trouveriez cela plus crédible qu'il ait développé des ... sentiments ? Pour moi ?"

Une certaine ironie pointait dans sa voix. La dryade, qui avait connaissance de l'entièreté de la situation, savait que c'était là chose impossible. Mais, même sans ses menaces, il lui paraissait improbable que cela puisse arriver. Pour elle, Batiste était et resterait un barbare. Un barbare insensible. Alors des sentiments pour elle, c'était effectivement ironique.

Sans plus s'appesantir sur le sujet, la jeune femme se détourna. Quoiqu'en dise Félixine quant au côté publique de cette affaire, Louison n'y prêterait guère attention. Elle en était persuadé, ces fiançailles n'aboutiraient jamais. Parce que les retombées d'une séparation se feraient sur elle, et non sur Batiste, il n'avait aucun besoin d'aller jusqu'au bout.

La noble continua malgré tout de donner quelques conseils à Louison quant à sa réputation. Si elle savait comme cela importait peu à la dryade. Oui, elle tenterait de bien faire les choses. Parce qu'elle en était persuadée, Batiste voudrait se servir des moments qu'ils seraient forcés de partager comme il l'avait fait avec leur danse, quelques semaines auparavant. L'humilier en public. Et elle refusait de lui laisser se plaisir. Le reste, sa réputation, elle s'en moquait. Elle la maintiendrait tant que cela lui serait utile, mais elle savait que ce n'était qu'éphémère. De retour dans sa forêt, cela n'aurait plus d'importance.

Toutefois, Félixine ne s'arrêta pas là. Elle, reprit, sur un ton plus sévère. Et Louison, face à ces paroles, s'arrêta brusquement avant de se retourner vers son interlocutrice. Une certaine forme de stupeur se lisait sur son visage. De la stupeur, mais aussi de la déception. Louison pensait avoir trouvé en Félixine une alliée. La seule même. Elles avaient partagé des moments de complicité, elle lui avait sauvé la vie. Mais celle ci n'avait finalement pas confiance en elle. Pire, elle préférait défendre celui qui avait très probablement tenté de tuer leur mère. Sourcils froncés, yeux brillants d'émotion et poings serrés, Louison se défendit.

"Me pensez-vous donc stupide à ce point ? J'ai pourtant toujours été claire : ce que je veux, c'est mon bosquet, point. Oui, je suis en colère contre votre frère, mais cela ne prendra jamais le dessus sur l'amour que je porte à ma forêt. Donc non, je n'irai pas ternir les affaires de votre précieux royaume. Parce qu'à l'évidence, ma forêt en fait partie, et que je ne ferai jamais rien qui puisse la menacer. Je sais quand même faire la part des choses !"

Sur ses mots, elle s'éloigna sans attendre son interlocutrice. Oui, les paroles de Félixine l'avait déçue, mais il n'y avait pas que cela. Encore envahie par la colère qu'elle ressentait vis-à-vis du frère, celle-ci ressortait à présent face à la sœur. Et dans l'esprit de la dryade, une pensée nouvelle émergea. Batiste avait probablement raison. Elle était seule au milieu d'un nid de serpents. Sauf qu'il avait oublié un point. Elle n'était certainement pas un doux petit oisillon prêt à être croqué. Qu'importe qu'elle soit seule, la solitude était son alliée. Elle s'y était destinée.

Non. Définitivement, Félixine ne pensait pas un seul instant que son frère était épris de Louison. Cela n'avait pas de sens. Mais après tout, elle n'était peut-être pas au courant de tout. Elle ne pouvait pas réfuter la possibilité que son frère et Louison aient quelques secrets... peut-être les liant l'un à l'autre. La princesse allait observer avec plus d'attention leurs rencontres et leurs faits et gestes. Surtout Batiste. Elle n'en démordait pas : la folie pouvait l'avoir gagné. Et cela arrangerait bien la princesse. C'était une piste qu'elle devait creuser. Malheureusement, elle avait la sensation qu'elle se tromper et que Batiste n'était pas en train de perdre la tête.

Louison voulait son bosquet. Avec son nouveau statut, cela serait plus simple pour elle de l'obtenir... mais la princesse n'y mettrait pas sa main à couper. Félixine ne pensait pas que son frère fasse preuve de tant de générosité. S'il n'était pas motivé par l'amour, ni par la folie, quels avantages avait-il à prendre Louison comme fiancée ? Elle n'avait pas de richesse particulière... Elle était différente des femmes de leurs connaissances mais cela était évident, elle avait grandi dans la nature, pas à la cours. Félixine allait étudier la question. En attendant, elle avait accepté de donner un coup de main à Louison. Et si la dryade l'avait quitté plutôt en colère, Félixine était son seul point de repère amical. La princesse ne s'en faisait pas, Louison reviendrait vers elle pour avoir de l'aide.

Félixine s'était rendue compte qu'elle avait parlé de manière trop sèche et que cela n'était pas passé auprès de Louison qui avait pris la mouche. Mais Félixine était franche : elle ne laisserait pas Louison humilier la famille royale. Après tout, c'était aussi son image qui était en jeu.

Félixine n'avait plus rien à faire dans la salle du trône. Louison était partie et son frère discutaient avec ses parents dans une autre pièce, en privé. La princesse soupira. Il ne lui restait qu'une chose à faire : attendre... et observer.