Commande d'un bijou[fermé]

Roxane s'éparpillait parce qu'elle était perdue. Parce que la perspective du plan qu'elle avait préparé l'effrayait terriblement. Elle avait eu une seconde chance, ce n'était pas pour se faire piétiner et traîner dans la boue... Mais les actes avaient toujours des conséquences. Pourrait-elle encore dormir en sachant qu'elle allait tenter d'empoisonner quelqu'un ? Et si elle y parvenait, comment allait-elle réagir ? Elle s'éparpillait parce qu'elle préférait rester un peu dans le déni ou dans le flou. Elle cherchait un échappatoire. Quand elle fut coupé par Silas, elle avait la bouche grande ouverte qu'elle referma pour l'écouter. Au vu de son ton qui la fit frissoner assez désagréablement, il n'était pas de bonne humeur. Inutile de le contrarier en lui coupant la parole.

La vampire fut déboussolée quand il lui qu'il n'attendait pas d'elle de l'argent. Du moins, pas pour le moment en tout cas. Elle ne comprenait pas. Son visage se décomposa tandis qu'elle ramenait le coffre pleins de billets contre elle. Il lui avait promis de l'aider à devenir une femme d'affaires... Et avant cela, il lui avait promis de l'aider à trouver un mari respectable en cotrepartie des biens qu'elle avait pu lui faire faire acquérir... Sa chute avait compromis ce projet auquel la vampire avait toujours cru être destiné. Si ce n'était pas de l'argent qu'il attendait en retour... Roxane ne voyait pas bien ce qu'elle pouvait lui offrir en compensation. Si elle arrivait à se faire sa place en tant que joaillière, elle aurait, certes, de la notoriété mais cela resterait dans un domaine précis... Et elle ne voyait vraiment pas ce que Silas pourrait tirer comme avantage de cela. Il ne pouvait pas non plus lui demander de lui céder des biens ou des avantages dû à son nom. Elle ne les avait plus. Et puis, le proxénète devait posséder déjà tout cela à un niveau qu'elle n'aurait pas pu atteindre.

Roxane fut tenté de lui demander ce qu'il attendrait d'elle, quand elle serait devenue une femme d'affaires. Elle savait d'avance qu'il ne lui répondrait pas. Il avait clair, il lui en parlerait le moment venu. Cette perspective de ne pas savoir ce qu'elle allait devoir céder la fit grimacer. C'était bien plus inquiétant et angoissant de ne pas savoir ce qui était en jeu.

Roxane se doutait bien que Silas avait déjà les mains tâchées de sang et avait côtoyé la mort d'adversaires. Elle hésita à lui parler de ce qu'elle avait prévu. Elle piétinait sur place. Face à son questionnement, ce fut la dernière phrase de Silas qui la sortit de sa bulle de questions. Elle se sentit déçue de savoir qu'elle ne le verrait à ce bal. De toute manière, qu'est-ce que cela changerait ? C'était un bal masqué, elle n'aurait sans doute pas croiser Silas de toute façon. En plus, elle scellerait son sort ce soir-là. Elle prit une profonde inspiration.

« Je m'empoisonne. A faible quantité pour habituer mon corps. Le soir du bal des Martins, je serai la cavalière de Draxler Nostro. Je sais d'avance qu'il me mordra. Pas pour me prendre du sang comme vous avez pu le voir aujourd'hui mais simplement pour me rappeler qu'il est celui avec du pouvoir. Je comptais prendre un dose plus importante de poison ce jour-là, pour l'empoisonner... »

Elle déglutit. Elle n'avait jamais prononcé ces mots à haute voix. Dit comme cela, Roxane trouvait son plan assez lunaire.

« Je ne veux pas finir comme Berry Blossom et Carlos Riviera, déclara-t-elle en grimaçant. C'était deux vampires qui travaillaient pour Draxler Nostro. Ils l'ont trahi. Nostro leur a fait arracher leurs canines. Une fois affamés, il les a fait torturer puis jeter dans le port. »

Roxane frissonna de terreur et transpirait de crainte.

Roxane ne pourrait pas s'étendre et se développer en affaires tant qu'elle serait sous le joug du vampire. Silas était venu simplement pour lui commander des boutons de manchettes. Les choses avaient dérapé d'une façon qu'elle aurait voulu éviter. Alors qu'elle baissait le regard vers ses mains, la vampire eut une illumination. Elle oubliait souvent qu'elle avait une autre capacité... Une capacité redoutable qu'elle n'avait jamais pensé comme étant une arme et que sa famille lui avait interdit d'utiliser en toute circonstance. Roxane avait alors tout simplement oublié ce pouvoir. Elle se sentit bête et fut parcouru d'un rire nerveux.

« J'ai quelque chose que Draxler n'a pas. Je vais vous montrer.

Elle se sentait véritablement bête d'avoir attendu tant de temps à se rappeler ce dont elle pouvait être capable. Les yeux de la vampire avait retrouvé un éclat doré d'espoir.

-Fermez les yeux, Silas.

Elle rajouta, ensuite, un « s'il vous plaît » pour qu'il ne lui reproche pas de lui donner un ordre. Elle ferma elle-même ses propres yeux. Pendant de très longues secondes, le silence s'installa jusqu'à ce que la voix de Roxane résonne :

"Bonsoir. Non, je n'ai pas réservée. Cela pose-t-il un soucis?" 

La voix de la vampire était cependant comme lointaine et faisait de drôles d'échos.

-Vous pouvez ouvrir les yeux », dit-elle plus distinctement.

Lorsque Silas ouvrit les yeux, il n'était plus dans la boutique de la vampire. Ils étaient dans le hall de la maison de joie de Silas, à Ayrith. Devant lui, Silas avait Roxane.. Mais derrière elle, encore une autre Roxane, qui s'adressait à l'employée d'accueil.

" - Malheureusement oui. Vous savez, au vu de la demande ...

- C'est bon. Ça ne pose aucun problème."

Silas pu alors s'entendre et se voir également. Les voix étaient lointaines.

« Je suppose que vous êtes là pour une chambre. Préférez-vous les services d'un personnel masculin, féminin ... Ou les deux  peut-être ?"

-Euh... et bien, peu m'importe.

-Très bien. Combien de temps compter vous passer ici ? Et ... Avez vous quelques requêtes particulières ? Nous essayerons d'y répondre au mieux

-Et bien, uniquement cette nuit, je repars demain matin. Avez-vous des couvertures épaisses? Je suis un peu frileuse. Oh.. et j'aimerais aussi du chocolat si vous en avez. »

C'était la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Roxane avait confondu la maison close de Silas avec un hôtel. La vampire en avait recréer l'illusion. Cette version de Roxane avait les cheveux plus longs, des joues plus rondes et des habits plus coûteux. Quand à Silas... Et bien, c'était Silas, il était fidèle à ce qu'il avait toujours été. Il était toujours aussi bien apprêté, beau et charismatique. Le Silas de l'illusion était souriant, contrairement à celui qui venait de lui parler avec son ton tranchant. Les voix devinrent encore plus lointaines ensuite et le Silas et la Roxane de l'illusion devinrent flous. Le bordel se remplit d'une sorte de brume. Silas n'y vit plus rien quelques secondes avant que la brume ne s'estompe et qu'il soit de retour dans la boutique de Roxane. La vampire était essoufflée et des perles de sueur coulaient de front. Roxane continuait de regarder l'endroit où s'étaient tenus le Silas et la Roxane de l'illusion.

Elle cligna des yeux plusieurs fois, s'assit et prit un mouchoir afin d'essuyer son front. Elle se sentait épuisée mais elle souriait, fière. Elle n'avait pas pensé que l'illusion serait si puissante et convaincante, mis à part les voix.

« J'aime toujours les chocolats chauds. »

Diverses émotions traversèrent le visage de Roxane durant le discours de Silas. Pour une fois, lui ne tenta pas de les deviner, bien plus concentré sur les paroles qu'il prononçait, et celles à venir. Et lorsqu'il eut enfin terminé, elle reprit ensuite, cette fois avec moins de filtre.

Le proxénète hocha la tête. Il ne semblait pas particulièrement surpris par les projets de la demoiselle, et certainement pas en désaccord avec ceux-ci. Malgré tout, il se permit d'objecter quelques éléments.

"Faites attention à la dose que vous prenez. Ce n'est pas parce que l'on en prend un peu tous les jours que cela nous protège d'une quantité qui sera trop élevé. Le mithridatisme est loin d'être une technique fiable. Il faut que vous augmentiez la dose chaque jour. Très légèrement. Pour que votre organisme puisse gérer la dose minimum qui serait létale à Draxler Nostro. Et méfiez vous aussi, car s'il décède, vous n'êtes pas à l'abri qu'un de ses subordonnés, peut-être pire que lui, reprenne la tête de ses affaires. Il faut leur faire comprendre que vous êtes une menace."

Roxane reprit ensuite, lui demandant de fermer les yeux. Et lorsqu'il les rouvrit, il pu se retrouver dans une vision tout droit sortie de leur passé commun. La première fois que Roxane avait mis les pieds dans un de ses établissements, un peu plus de deux ans auparavant. Silas ne put retenir un petit sourire. Il y avait, encore aujourd'hui, un certain comique à revoir la méprise de la jeune femme. Puis la vision d'estompa en une brume étrange.

"Si je me souviens bien, ce n'était pas du chocolat chaud que je vous avais fait apporter à l'époque, mais plutôt une fontaine de chocolat fondu pour les jeux de goûts."

Il laissa son sourire taquin s'estomper, avant de reprendre d'un ton plus sérieux après avoir remis ses cheveux en place. Il ne perdait pas le sens de ses priorités.

"Quoiqu'il en soit, c'est effectivement là un pouvoir intéressant. Pour intimider ceux qui vous voudraient du tort, ce sera parfait. Pouvez-vous inventer totalement la scène ? J'aurais envie de vous dire que le cadavre des intéressés, avec votre voix, pour qu'ils sachent que c'est vous, qui prononcerait simplement quelques mots, cela pourrait être pertinent. Avec ce côté déformé des intonations, cela ferait sûrement son effet."

Silas avait bien remarqué l'effort que cette mise en scène avait demandé à la demoiselle. Malgré tout, elle avait eu raison de le lui présenter à ce moment-là. Bien utilisé, il s'agissait d'un bel atout dans sa poche, quoi qu'il nécessitait sûrement quelque entrainement.

Roxane augmentait les doses de poisons dans son corps mais elle faisait attention car elle ne devait pas se faire repérer. De plus, elle n'était pas non plus une experte et elle ne voulait pas s'injecter une dose létale par inadvertance.

Faire peur à Draxler Nostro et se montrer menaçante avec une illusion était bien plus acceptable pour elle d'un point de vue de la morale. La vampire se trouvait idiote de ne pas y avoir pensé plus tôt.

Honnêtement, elle ne pensait pas que les subordonnés de Draxler Nostro pouvaient être pire que lui. Roxane ne pouvait cependant pas ignorer la mise en garde de Silas.

« Inventer totalement une scène ? Non.

Un souvenir n'était pas la même chose qu'une illusion créée de toute pièce.

-Cependant, je pense pouvoir faire apparaître des éléments. Et certainement pas maintenant. Je suis. Trop fatiguée.»

Créer cette illusion de souvenir l'avait épuisée. Roxane avait besoin de temps avant de pouvoir en refaire une.

Elle n'était pas sûre qu'un cadavre de Draxler Nostro illusoire soit réellement la solution. Et une illusion restait une illusion. Quelles informations pouvait-elle utiliser contre le vampire ? Elle repassa en mémoire chaque chose qu'elle avait entrevoir de la vie de Draxler Nostro.

« Un bracelet, murmura-t-elle. J'ai fait un bracelet commandé par Draxler Nostro... Un petit bracelet... pour une enfant.

Des subordonnées de Draxler avaient déjà parler d'une certaine Milliana, pestant qu'ils devaient la surveiller et la garder.... Ce n'était pas la femme ou une maîtraisse de Draxler, mais sa fille. Roxane avait trouvé un point faible à exploiter. Elle ne ferait pas de mal à une enfant mais cela, Draxler pouvait en douter si elle se montrait convaincante. Elle jeta un coup d'oeil vers l'argent du coffret.

« Je crois avoir mieux qu'une frousse à la vue de son propre corps cadavérique. Draxler Nostro a un enfant. Je peux l'effrayer en faisant enlever cette enfant et lui faire peur avec des illusions. Je sais comment procéder alors cessons de parler de tout cela.»

Elle utiliserait une partie de l'argent pour employés des mercenaires pour garder l'enfant. Il lui suffirait de savoir où elle se trouvait.

Elle toussota. Roxane n'avait pas une âme diabolique. Elle trouvait que ses idées étaient un peu trop effrayantes.

« Je n'ai donc jamais eu mon chocolat chaud.... Pour quelqu'un d'aussi perfectionniste et qui tient à l'opinion de ses clients, c'est étonnant, déclara-t-elle en changeant de sujet.

Certes, une fontaine de chocolat était mieux qu'un chocolat chaud mais Roxane aurait préféré qu'il ne lui rappelle pas à quoi cela pouvait bien servir. Elle imaginait, à présent, très bien ce qu'on pouvait faire avec du chocolat fondu...

-Vous me devez un chocolat chaud », déclara-t-elle avec aplomb.

Un simple hochement de tête répondit aux paroles de Roxane. Pourtant, en son fort intérieur, Silas restait étonné. Que la demoiselle se propose de kidnapper un enfant, cela ne lui ressemblait pas. Tout autant que s'empoisonner à petit feu pour assassiner Draxler Nostro. Il restait d'avis que lui faire voir son cadavre, ou même mieux, celui de sa fille, aurait été tout aussi efficace. Mais il ne la contredit pas. Si commençait à avoir le cran de prendre de telles décisions, cela pourrait se révéler intéressant pour la suite. Si elle voulait mener ses projets à terme, il fallait qu'elle ose agir ainsi.

Roxane reprit ensuite, sur un ton plus léger. Silas, en retour, rit, malicieux. Pensait elle réellement que cela fonctionnerait, qu'il céderait ?

"Certainement pas. Vous n'avez qu'à rejouer la scène. Réécoutez vos paroles. Ce que vous m'avez demandé, c'était du chocolat. Pas du chocolat chaud. Et vous l'avez eu."

Il reprit toutefois rapidement un visage neutre. Malgré la façon dont il prenait cela avec humour, il avait saisi le double sens que pouvait avoir la demande de Roxane. Et bien évidemment, il ne pouvait l'accepter. Il n'avait pas changer d'avis en un an. Il n'était pas fait pour elle, ni même qui que ce soit. Alors, un rendez-vous, cela lui était inenvisageable.

Il ne reprit toutefois pas Roxane sur cette proposition. Peut-être l'avait elle fait inconsciemment. Il aurait alors été malvenu de lui dire de ne pas le faire. D'autant plus qu'elle aurait alors pu supposer que si lui l'avait entendu, c'était parce que dans le fond, il était peut-être intéressé. Non.

A la place, il reprit la parole sur un tout autre registre.

"Sur ce, je vais vous laisser retourner vaquer à vos occupations. Je vous reverrai lorsque les boutons seront terminés. Dans une quinzaine de jours, c'est bien ce que vous m'avez dit ? Et d'ici là, si jamais vous vous retrouvez de nouveau en difficulté face à Draxler Nostro, contactez moi."

Sur ces mots, il se détourna du comptoir. Il quitterait sûrement Mevya entretemps. Malgré tout, il s'était engagé à aider Roxane, et il tiendrait parole si elle le souhaitait. Sans lui donner d'espoir.

Roxane allait réfléchir à sa façon de procéder pour mettre la pression à Draxler Nostro. Elle ne voulait pas bafouer ses convictions ni perdre une partie d'elle-même dans cette entreprise. Roxane souhaitait toujours être capable de pouvoir se regarder dans une glace sans détourner le regard.

Roxane n'avait plus jamais eu l'occasion de manger une fontaine de chocolat par la suite. Elle n'avait pas eu les moyens de se la payer. Et puis, ensuite, elle n'avait pas trouver d'établissement à Mevya qui en proposait... et elle n'allait certainement pas réserver une chambre dans le bordel de Silas juste pour commander une fontaine de chocolat. L'idée lui avait déjà traversé l'esprit... Mais Roxane trouvait que c'était trop cher payé pour du chocolat. Elle avait la valeur de l'argent à présent. Elle ne voulait pas gaspiller son argent pour un caprice.

Roxane fut déçue qu'il refuse la perche qu'elle lui avait lancé.. Mais pas pour la raison que Silas pouvait bien penser. Elle n'avait pas pensé à avoir un rendez-vous en tête à tête avec Silas. Il avait été clair par le passé avec elle. Il ne voulait pas de la vampire. Il ne lui avait pas laissé d'espoir. Ce n'était pas maintenant qu'il allait se mettre à flirter avec elle. Cependant, Roxane le trouvait toujours aussi bel homme et attrayant. Toujours aussi expressive, la déception de la vampire se lisait sur son visage... Parce qu'elle avait espéré pouvoir retrouver et boire du chocolat chaud. Elle aurait pu lui demander directement mais c'était admettre qu'elle n'avait pas assez d'argent nécessaire pour se permettre ce genre de fantaisie si elle voulait mener ses projets à bien. Elle économisait.

« Une quinzaine de jours, oui. Au revoir. »

Roxane se remit au travail par la suite.