Règlement de compte [Terminé]

Batiste grimaça quand elle lui écrasa le pied mais il ne fit aucune remarque. Il n'y avait pas à faire encore un scandale à retarder son retour au château. 

Batiste continua son inspection, présentant ses excuses aux marchands pour le contre-temps. 

Ensuite, le prince rentra au château. Il prit le temps de se changer pour revêtir une tenue plus "princière" avant de se rendre dans la salle du jugement où il fit appeler Louison. Elle en mettait du temps en à venir...

Les gardes avaient du mal à faire sortir Louison de sa cellule. Elle ne bougeait pas. Un des gardes en eut assez de ses caprices. Le prince avait dit de l'emmener, rien d'autre. Il s'approcha de la dryade et il lui mit une énorme gifle. Le prince n'avait pas précisé qu'ils ne pouvaient pas utiliser la violence. 

L'impact de la gifle fit trembler Louison. Elle ouvrit un instant les yeux, et dévisagea les gardes qui l'entouraient. Puis elle les referma, semblant retrouver son calme apparent, malgré la douleur qui brûlait sa joue.

Au fond d'elle pourtant, elle bouillonnait. Elle n'oublierai pas ce geste, ni les suivants à venir. Elle n'oublierait pas les visages de ceux qui avaient fait cela. Tout comme elle n'avait pas oublié la claque que lui avait mis le prince dans la forêt. Pour le moment, elle encaissait, mais un jour, cela ressortirait. 

D'une voix posée, elle marmonna : "Allez y. Continuez. Ce n'est pas comme ça que vous arriverez à me faire venir."

Louison n'avait pas prévu de faire le moindre effort. Elle se représentait mentalement tel un arbre affrontant une tempête. Ses pieds en tailleur étaient ses racines, bien ancrés sur le sol dur du cachot, et rien ne pourrait les y déloger. Certainement pas les coups, les attaques verbales ou les mouvements de force. Elle ne flancherait pas, et ce d'autant plus qu'il était impensable d'aller voir le barbare dans son terrain conquis.

Alors, les yeux fermés, concentrée sur cette boule de rage dans son ventre qui l'encrait dans sa détermination, elle se prépara à l'impact du coup suivant, et de tous les  autres à venir.

Deux gardes la passèrent à tabac pour lui faire cesser son attitude rebelle. Ils la ruèrent de coups de pieds et de coups de poings jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'une pauvre petite chose faible. Ensuite, ils la traînèrent jusqu'à la salle d'audience où Batiste attendait.

Le prince haussa un sourcil en voyant l'état de la dryade. Il ne l'avait pas quitté dans un état aussi pitoyable. Il ne faisait aucun doute que les gardes lui avait donné des coups et assez forts visiblement. Il l'avait pourtant prévenu qu'elle ferait mieux de se tenir à carreaux. Pourquoi se rebeller et aggraver son cas alors qu'en coopérant, sa peine aurait pu être minime? Cette femme n'avait donc aucune jugeote? 

"Vous êtes accusée de comportement inappropriée envers un membre de la famille royale d'Alqualis ainsi que de délit de fuite."

Le ton employé par Batiste était totalement détaché. 

Louison ne tenait pas debout. Au minimum, elle avait une côte et la cheville cassées. La cheville, c'était quand, dans une ultime tentative de résistance, elle avait coincé sa cheville dans un des barreaux pour qu'on ne puisse pas la transporter plus loin. Vainement, puisqu'au final, son articulation avait craqué sous le mouvement des gardes pour la faire avancer.

Elle reposait désormais sur le sol accroupie, se retenant de laisser échapper les cris de douleur qui la parcourait. Même dans ses conditions, elle refusait d'être en position de faiblesse. Alors, dans un effort supplémentaire, elle gardait la tête droite et les yeux fixés dans ceux du chasseur, alors qu'il annonçait les chefs d'accusation. Fuite, c'était un peu exagéré : elle était restée dans la forêt lors de leur première rencontre, et là, elle n'avait fait qu'enjamber un banc, ce qui n'était pas une fuite vraiment réussie.

Mais qu'importe, Louison n'était pas là pour se défendre. Elle pensait que cela ne servirait à rien. A la place, elle puisa dans ses dernières forces pour en rajouter une couche.

"Moi, je vous accuse, Batiste Kingsland, d'être un vandale, et un homme qui menace toute une population, en souhaitant raser leur habitat naturel. Mais comme si cela allait changer quoi que ce soit."

Elle rit jaune, et cela se transforma en une quinte de toux, où Louison se retrouva à cracher du sang sur le sol. Pas qu'une côte cassée a priori.

"Alors allez-y. Condamnez-moi Batiste Kingsland. Prononcez les mots : Je vous condamne, mademoiselle ..."

Elle marqua un instant de pause, et tenta de se redresser un peu plus.

"Oh, c'est vrai, ça risque d'être compliqué, vous ne savez même pas qui je suis. Il est beau le droit que vous prétendez avoir sur cette vie anonyme, n'est-ce pas, Batiste Kingsland ? Vous pourrez en être fier."

Une fois de plus, elle insista sur le nom de son interlocuteur, qui s'était présenté pompeusement dans la forêt. A plusieurs reprise dans sa tirade, sa voix s'était cassé, trahissant la douleur qui habitait son corps, mais cela ne l'avait pas empêché de continuer. A nouveau, elle recracha son sang sur le sol.

Batiste la regardait s'égosillait et utiliser ses dernières forces pour lui cracher à la figure quelque chose dont elle l'accusait. Il écouta d'une oreille distraite. 

Il allait falloir nettoyez tout ce sang qu'elle déversait en crachant. Lors des accusations qu'elle porta sur le prince, un murmure se fit entendre de la part des nobles qui assistaient à l'audience. Ce genre de procès était un vrai spectacle pour eux. Certains étaient horrifiés par les propos qu'elle tenait. Cette gamine n'avait donc plus envie de vivre pour oser défier un membre de la famille royale? Et pas n'importe lequel car Batiste était le futur roi. Il fallait mieux éviter de le contrarier. 

"Je n'ai pas besoin d'un nom pour vous condamner. Le simple fait que vous vous en soyez pris à moi est un motif suffisant, peu importe qui vous êtes.

Même si elle était une noble de haut rang, même si elle avait une importance politique, elle s'en étant pris à un membre de Kingsland et cela était une erreur politique qu'on payait cher. Il eut un petit rictus avant de reprendre les mots qu'elle avait employé : 

-Je vous condamne, mademoiselle, à la peine de mort. Vous serez exécutez à l'aube."

Louison ne laissa rien transparaître sur son visage à l'annonce de la condamnation. Elle s'y attendait. Elle avait bien rapidement qu'au vu de l'égo de celui à qui elle faisait face, elle ne s'en tirerait pas.

De toute façon, au vu de son état physique, elle savait qu'il y avait peu de chance pour qu'elle s'en tire sans soin. Et qui lui en apporterait, même si elle était libre ? Personne.

Elle ne put toute fois s'empêcher d'ajouter quelques mots.

"J'espère au moins que ce sera sur la place publique. Histoire que chacun puisse voir leur prince dans toute sa splendeur."

La dryade balaya du regard son corps. Pour l'instant, la plupart des blessures ne laissaient pas encore de traces, mais d'ici quelques heures, ce ne serait surement pas beau à voir. Ensuite, elle se retourna vers la salle pour voir si des gardes étaient déjà prêts à la ramener dans sa cellule.

Lorsque ce fut le cas, elle reprit la parole une ultime fois.

"Et vous vous trompez. Je ne suis pas mademoiselle. C'est bien pour cela que je vous demandais mon nom. Parce que je savais que vous n'en auriez pas la moindre idée. Je n'existe pas. Vous venez de condamnez personne, bravo."

Batiste se demanda ce qu'elle espérait à aboyer comme un chihuahua de la sorte. Il ne connaissait pas son nom, et alors? Elle n'était personne. Pourquoi n'avait-elle pas essayé de plaider sa cause, demander sa clémence ? Vraiment, certaines personnes n'étaient pas très fûtées. 

Les gardes ramenèrent Louison dans sa cellule. Il n'était pas prévu que des soins lui soient apporter. Et puis, à quoi bon soigner une condamnée à mort? 

Les exécutions sur la place publique étaient rares et étaient réservés à de grands crimes commis contre le royaume. Il était hors de question qu'elle soit tuée sur la place publique. Elle sera exécutée par le bourreau dans la prison.  

De retour dans sa cellule, Louison dut se trainer jusqu'à la paillasse. Il n'y avait plus qu'à attendre. A nouveau, elle ferma les yeux, et tenta de se visualiser la forêt de Bavière. Qui en prendrait soin si elle disparaissait ? Elle repensa aux arbres, aux buissons et à l'herbre. Cela la relaxait malgré tout.

Une douleur sourde la coupa dans ses réflexions. Elle cracha une nouvelle fois du sang. Louison rouvrit les yeux, et contempla ses blessures. Elle ne pouvait pas rester ainsi. Elle prit le drap tiré du bateau, et commença à essuyer certaines de ses blessures. Elle déchira un bout de tissu, dont elle se servit pour tenter de maintenir sa cheville en place. Le résultat n'était pas exceptionnel, mais c'était le mieux qu'elle puisse faire, surtout avec ses mains attachées.

Louison ne savait pas encore comment, mais elle se vengerait. Elle s'imaginait revenir sous forme d'esprit, et les hanter jusqu'à la fin. Ce ne serait que le minimum envisageable.

Personne n'apporta de repas à la jeune femme. En effet, quel en était l'intérêt ? Tout comme ses blessures qu'on ne prenait pas la peine de soigner. 

Plusieurs heures s'écoulèrent. Ce fut assez tard dans la nuit que les choses prirent un nouveau tournant. Des bruits de pas se rapprochaient de la cellule de Louison. Elle pouvait discerner la voix d'un des gardes.

"Voyons... Vous êtes sûre? Je n'aurais pas de soucis à vous laissez faire? Oui... Oui, je comprends que c'est un ordre que je me dois d'obéir. "

Deux silhouettes s'arrêtèrent devant la cellule de Louison: la première était un garde, l'autre, était une jeune femme. Elle portait une robe noir ornée de pierre qui devaient valoir chacune une petite fortume. Ses longs cheveux bruns étaient tressés et elle dégagée une aura pleine d'assurance et de charisme. 

"Ouvrez."

Le garde s'empressa d'ouvrir la cellule pour la laisser entrer. La jeune femme regarda Louison.

"Bonsoir. Savez-vous qui je suis? "

Entre temps, Louison n'avait pas réellement bougé. Chaque mouvement, même minime, lui donnait l'impression que son corps allait céder. Elle s'était contentée de ramener ses genoux contre son torse et de poser la tête au dessus.

Le temps passait lentement. Impossible de fermer l'oeil plus de quelques secondes : la douleur la ramenait à la réalité, malgré les multiples pensées qu'elle se créait pour s'en éloigner.

Et puis, au bout de ce qui lui semblait une éternité, des pas. C'était l'heure. On venait l'emmener au bûcher. Non, pourvu que ce ne soit pas un bûcher. Pour Louison, c'était la pire mort imaginable. Le feu l'avait toujours horrifié. Il hantait jusqu'à ses cauchemars où la forêt partait en flammes. Tout sauf le bûcher.

Elle redressa la tête, déterminée à paraître assurée jusqu'au bout, quand elle commença a entendre des voix. A priori, la personne qui venait n'était pas prévue. Pas d'exécution tout de suite alors.

Ce n'était sûrement pas pour la dryade. Qui viendrait la voir ? Elle ne connaissait personne. Il devait y avoir un autre prisonnier dans les cachots. Louison voulut se repositionner dans sa posture antalgique, quand un "ouvrez" retentit à proximité.

Un demoiselle entra dans la cellule, accompagné d'un garde. Louison ne porta pas attention à celui-ci. Par contre, la jeune femme l'intriguait. C'était une noble à n'en pas douter. Sûrement très haut placé dans la société, au vu de la tenue qu'elle portait. En même temps, à côté de Louison, de sa tunique en lambeau et du drap déchiré et taché de sang à ses pieds, n'importe qui aurait paru royal.

"Non."

Cette fois là, elle n'ajouta rien. Non pas qu'elle soit à court de répartie, épuisée par ses blessures ; non, Louison n'avait simplement pas le besoin de dire grand chose de plus. Bien qu'elle ait de forte supposition sur l'identité de son interlocutrice, elle n'avait rien à lui reprocher pour le moment.