Célébration [Terminé]

"Je sais" soupira Louison.

Enfin, les combats commencèrent. Au début, la dryade était attentive. La violence n'était pas en soit quelque chose qu'elle décriait. Quand cela ne portait préjudice à personne, et surtout pas à la nature. Dans le cadre d'un tournoi, comme celui là, le terrain était déjà préparé pour. Elle n'avait donc rien à y redire.

Elle regardait sans soucis les différentes attaques de chacun des combattants, s'imaginant souvent à leur place. Bien sûr, elle aurait fait les choses différemment. Elle ne connaissait pas les règles exactes de la joute ; ainsi, elle n'aurait pas hésiter à faire quelques attaques en traître et autre coups en douces.

Bien vite elle se lassa cependant de cette activité. Les combats se succédaient, sans grandes variations. Louison détourna le visage pour observer la foule. Il y avait quelques groupes de spectateurs qui semblaient encourager avec passion leur champion. Là encore ce n'était pas très intéressant.

Félixine aussi semblait trouver peu d'intérêt aux combats.

Elles auraient pu discuter pour patienter, mais Louison resta silencieuse. Elle ne savait pas quoi dire.

Au bout d'un moment, le héraut annonça le combat final. Les deux frères de Félixine, l'un contre l'autre. Louison leva les yeux au ciel. Évidemment.

Elle tenta de détourner le regard, par principe, mais son attention fut bien vite rattrapée par les exclamations de la foule à chaque passe d'arme.

Assez rapidement, Louison comprit que l'un des deux frères était bien plus dans l'offensive que l'autre. On sentait derrière ses coups une volonté de gagner à tous prix. La dryade ne l'aurait jamais admis, mais elle se reconnaissait dans cette détermination. Sauf qu'elle était là diriger contre son propre frère. Bien sûr, c'était Batiste.

Et le combat se termina, sous les hourras du public.

Félixine reprit enfin la parole. La jeune femme aux cheveux verts ne sut si cette phrase lui était destinée, où si elle se la disait pour elle-même. Après tout, il y avait dans sa voix une forme d'affection pour son second frère, qu'elle n'avait pas pour l'aîné. Est-ce que Félixine avait besoin de se rassurer sur ses compétences ? Peut-être. Dans le fond, cela n'apportait pas grand chose à Louison de le savoir.

"C'est donc fini maintenant ? "

Dans sa phrase transparaissait une pointe d'impatience. Louison avait décidé qu'elle n'aimait les mondanités, et elle n'allait pas le cacher.

Les tournois n'étaient pas que violence. La stratégie était aussi au coeur des combats. L'attaque, la défense... l'expérience, être endurant... tout cela comptait.

Comme Batiste avait gagné, il accueillait à bras ouverts les acclamations de la foule. Félixine se contenta d'applaudir avec retenu, comme le voulait la bianséance. Elle aurait préféré que Mathurion gagne. Cette victoire n'allait que flatter l'égo de Batiste au lieu de le faire redescendre de son pied d'estal.

"Le tournoi, en lui-même, est fini. Mais il y a encore le banquet en l'honneur du vainqueur."

La princesse quitta la loge qui lui était réservé.

 -Venez, je vais vous présenter mon frère. Celui que vous ne connaissez pas."

Beaucoup de nobles de tous les pays avaient été invités. Les Blackwall en faisaient partis. Bien entendu, tous les membres n'étaient pas venus à la cours mais Roxanne en faisait parti. Elle avait dû négocié pour aller à la capitale et, mieux, à la cours... elle venait en tant que chaperon d'une de ses cousines... Bien entendu, personne ne la chaperonnait, elle. C'était un affront de sa famille. Une jeune femme non mariée ne devrait pas se balader sans chaperon. La famille de Roxane espérait sans doute que la vampire se retrouve dans une situation inconvenante pour la blâmer. Toutefois, Roxane avait l'impression de mieux respirer, loin de sa famille. 

Louison fronça les sourcils. Un banquet. Il ne manquait que ça. La dryade n'en était pas encore là dans les livres sur l'étiquette que lui avait confié Félixine. Elle, qui pensait avoir encore quelques temps avant d'affronter la vie en société, du fait de ses douleurs persistantes, avait retardé autant que possible la lecture de ces ouvrages. Un peu trop il fallait croire.

Mais bon. Elle n'avait pas le choix. Elle allait faire face à cette nouvelle situation, même si ce n'était pas de la façon attendue par les nobles. Elle se leva à la suite de la noble, et ne broncha pas quand celle-ci lui annonça qu'elles allaient voir son frère. Ce n'est pas comme si Louison pouvait dire non.

Elles traversèrent donc la foule. Cette fois, les nobles leur prêtèrent moins attention, encore occupés à acclamer le vainqueur. Quelle hypocrisie, dire que quelques temps avant ils en encourageaient d'autres.

En passant, il lui sembla reconnaître un visage. Roxane. La jeune femme qu'elle avait croisé lors de sa première visite en ville. Louison se demanda si elle était là à nouveau pour sa famille. D'après ses souvenirs de leur rencontre, les rapports étaient tendus. Il valait sûrement mieux que la dryade -qui n'était pas vraiment la meilleure fréquentation parmi toutes les personnes presentes- évite d'empirer la situation en l'interpellant bruyament. Elle se contenta donc d'essayer d'accrocher son regard. Peut-être que comme ça, la demoiselle la reconnaîtrait.

Louison n'eut cependant pas le temps de savoir la réaction de Roxane. Quelques pas devant elle, Félixine s'était arrêtée. Elles avaient rejoints son frère.

La dryade regarda rapidement la fratrie, en attendant que l'un des deux commence la discussion.

Félixine fendait la foule d'un pas gracieux. Elle ne vérifiait pas si Louison la suivait car cela lui semblait être une évidence. Les nobles qu'elles croisaient ne lui prêtaient pas attention. Ils étaient bien trop occupés à acclamer Batiste et à tenter de s'approcher de lui. 

Enfin, elles arrivèrent à la hauteur de Mathurion.

"Tu t'es bien battu, Mathurion, annonça Félixine.

- Merci. Mais la victoire est à Batiste.

Il ne semblait nullement contrarié. Son ton faisait plus écho à un constat. 

- Ne voulais-tu pas gagner? demanda Félixine avait une pointe d'ironie. 

- Je le voulais. Mais pas à n'importe quel prix. "

Ils continuèrent à échanger quelques banalités avant que Félixine ne se tourne vers Louison.

"Voici ma nouvelle dame de compagnie, Louison. 

Mathurion détailla la dryade. Il avait entendu parler d'elle et de ses mésaventures à son arrivée ici.

-Bienvenue."

Plus loin, dans la foule, Roxane marchait afin de s'éloigner du troupeau acclamant le vainqueur. Elle avait cru reconnaître un visage familier près de la princesse Félixine. Se pourrait-il que cela soit le cas ? Le doute persistait chez la vampire. 

Une multitude de points avaient conduit la jeune femme à venir assister aux festivités. Une non citée jusque là était la présence de Messire d'Aubar. Il était le seul parti acceptable qu'elle pouvait espérer pour le moment et elle avait déjà eu un premier contact avec lui lors d'un bal donné par sa famille. Roxane ne pouvait pas laisser une occasion de se rapprocher de lui. En attendant, Roxane restait avec sa cousine. Cette dernière acclamait le prince Batiste et faisait ses louanges comme s'il pouvait l'entendre. Roxane leva les yeux vers le ciel. 

Alors que la discussion entre le frère et la sœur se faisait, Louison laissait vagabonder ses pensées. Elle ne se sentait pas vraiment concernée par leurs échanges. Jusqu'à ce que son nom intervienne dans la conversation. "Bienvenue". Félixine avait présentée la dryade, comprit-elle.

"Merci. Et enchantée."

Elle n'ajouta rien de plus. Pas un mot, pas un geste, et encore moins une révérence. Louison était encore bien loin d'etre suffisamment docile pour se plier à ce genre de conventions.

Cependant, au bout de quelques minutes, elle se décida à reprendre la parole, pour faire une remarque qu'elle savait malvenue. Sauf que depuis qu'elle avait vu le combat, celle-ci lui brûlait la langue.

"Vous auriez du prendre le risque de le faire tomber. Il l'aurait mérité."

D'autant plus qu'a priori, sa captivité ne lui avait pas adouci le cœur, au vu de son attitude au combat. Louison, qui était déjà amère, ne pouvait s'empêcher de vouloir qu'il tombe de son piédestal. Elle avait du mal à croire qu'il puisse s'adoucir de quelque autre manière. Et si cela n'arrivait pas, il resterait pour elle un danger.

La dryade redressa la tête, et regarda quelques instants Mathurion dans les yeux. Et lui, devait-elle s'en méfier aussi, du simple fait de son passé de combattant ?

(Juste par rapport à Roxane, tu voudrais que je fasse intervenir quelqu'un ? Je préférerais Silas parce que je n'ai pas vraiment envie de jouer de nouveaux personnage en ce moment, mais après si tu le souhaites vraiment ça peut être ce fameux messire d'Aubar ? Par contre, si tu veux que je fasse intervenir quelqu'un, je veux bien qu'on fasse un autre sujet, sinon je vais m'emmêler les pinceaux ^^' )

Mathurion ne s'offusqua aucunement du manque de politesse et de diplomatie de la dryade. Il avait cru comprendre qu'elle était une étrangère aux usages civilisées de la cours. 

Toutefois, le prince lui accorda plus d'attention lorsqu'elle fit une remarque sur le combat qu'il avait mené avec son frère. 

"J'ai pris les risques que je jugeais nécessaire. Quant à dire tout haut que vous souhaitez le malheur d'un membre royal, faites attention. L'héritier de la couronne pourrait se montrer rancunier. 

Félixine regarda sa dame de compagnie et son frère. Mathurion ne proférait aucune menace. Son ton était calme et posé. 

Au loin, le vainqueur du tournois, Batiste, s'approcha de la petite troupe. 

(oh ne t'en fait pas, je ferais ce Messire d'Aubar mais oui, j'aimerais bien que tu jours Silas). 

Louison laissa échapper un unique gloussement, dans lequel transparaissait une pointe de dépit.

"La dernière fois que je l'ai vu, il m'avait menacé de mort."

Et la fois d'avant, il l'avait même condamné à être exécutée.

"Je ne suis donc pas sûre que nos relations, si on peut employer ce terme, puissent se dégrader"

A priori, un peu de rancœur n'était rien comparé à ce que la dryade avait supporté de la part de Batiste. Elle aussi, d'ailleurs, ressentait à son égard des sentiments bien plus négatifs que cela.

Elle haussa négligemment les épaules, puis balaya du regard la zone autour d'elle.

Louison aurait bien aimé trouver une porte de sortie, un moyen de faire passer le temps plus vite. Malgré le temps passé avec Félixine, la dryade n'arrivait pas à être totalement à l'aise et spontanée avec elle. Peut-être était-ce en grande partie en raison de la relation employeur-employée, ainsi que du pseudo-statut de membre de la famille royale que la jeune femme avait. En tout cas, si on ajoutait à cela le contexte de mondanité, et la présence de son frère qui avait le même statut, ça n'aidait pas Louison à se détendre. D'où sa recherche d'une échappatoire. Elle avait quelques instants espéré que la présence de Roxane, une des rares personnes qu'elle connaissait en dehors du cadre du palais, aurait pu lui permettre de s'éloigner, mais celle-ci avait désormais disparu dans la foule que la dryade parcourait du regard. Si seulement elle pouvait trouver autre chose ...

Oh. Ça, ce n'était pas une porte de sortie. Un peu plus loin, fendant la foule avec assurance dans leur direction, avançait Batiste. Pas de doute, il venait voir sa fratrie. Et Louison, qui était désormais partagée entre l'envie de partir retrouver un peu de tranquillité, et le petit instinct de rébellion qui s'éveillait en elle dès qu'elle se retrouvait confrontée au chasseur. L'espace d'un instant, elle croisa son regard, avant de ramener ses yeux vers Félixine et Mathurion.

"Quand on parle du loup."

(D'accord. Après, comme je te disais, je veux bien qu'on fasse ça sur un autre sujet. Surtout que soyons honnête, si Silas vient à la fête, il le fait à sa manière, et donc se fait remarquer par son absence au tournoi, pour débarquer bien plus tard au milieu du banquet.)

Mathurion ne faisait pas de commentaire mais il trouvait que la jeune femme avait trop de laissé aller sur sa parole. Elle devrait tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Elle ne respectait pas les codes de la cours et cela l'irritait un peu, tout de même. Mais cela ne l'irritait pas autant que Félixine qui avait cru que sa protégée était prête. Visiblement, elle s'était trompée. 

Si Louison ne se fondait pas dans la masse des courtisans, alors, voilà qui ne servirait pas la princesse. Félixine se mordillait la lèvre. Elle repensait à ses décisions. 

Batiste arriva à leur niveau. En approchant, il avait croisé le regard de la dryade. Le regard du prince s'était fait ardent, empli de noirceur quand il avait croisé les yeux de la dryade. Toutefois, il l'ignora royalement. 

"Tu t'es bien battu mon cher frère, commença Batiste. 

-Toi aussi.

-Félixine, nous sommes d'accord que j'ai remporté notre pari en gagnant le tournoi? 

La princesse grinça des dents.

-En effet. 

Félixine et Batiste avaient pariés sur la victoire de ce -dernier. 

-Que souhaites-tu ? 

Le prince regarda en direction de Louison une fraction de seconde. Un immense sourire fendit son visage. 

-Je réclamerait ma récompense un peu plus tard"

Au départ, lorsque le troisième membre de la fratrie arriva, ils se détournèrent de Louison, pour commencer à échanger des banalités d'usage. Ravalant ses envies de provocation, elle se dit que c'était là le bon moment pour s'éclipser.

Jusqu'à ce qu'elle entende le mot pari. Son regard passa rapidement entre Félixine et Batiste. Ils avaient parié ensemble sur les résultats du tournoi ? N'étaient-ils pas censés ne pas s'entendre ? C'est en tout cas ce qu'ils lui avaient laissé penser lorsque Batiste s'était introduit dans sa chambre quelques semaines auparavant. À moins que Louison n'ait surestimé leur rivalité.

Et puis ils évoquèrent la récompense. Là, le regard de Batiste croisa une nouvelle fois celui de la dryade. Avec cette fois un grand sourire. Cette fois, ce n'était pas un hasard. Il souhaitait la provoquer. Alors qu'il reprenait la parole, les sourcils de Louison se relevèrent dans un arc évoquant un mélange entre étonnement feint et défi. Tout son visage semblait lui dire d'y aller, d'oser s'il le voulait vraiment.

Et puis, elle se tourna vers Félixine, un visage neutre retrouvé.

"Je reviens."

Et sans attendre de réponse, elle pivota, faisant au passage voler sa chevelure, puis se faufila au travers de la foule jusqu'à en atteindre l'orée. Elle émergea de la masse grouillante, et commença à se promener d'un pas lent. Il y avait quelques invités qui profitaient calmement des jardins, loin de l'agitation causée par le tournoi, et des serviteurs qui finalisaient les préparatifs du banquet. Louison s'arrêta une quinzaine de mètre plus loin, et s'assit sur une petite banquette, près d'un grand arbre. Elle inspira longuement. Elle se sentait mieux là.

Batiste et Félixine avaient un fort esprit de compétition. Ils ne s'entendaient pas très bien mais le premier avait provoqué sa soeur et claironner qu'il gagnerait le tournoi. Félixine avait alors ri, se moquant de lui. C'était comme ça que cette histoire de pari avait commencé mais les récompenses n'avaient pas été décidé. 

Suite au départ de Louison, la fratrie royale continua de discuter. Le sourire et le regard de Batiste n'avait pas échappé à Félixine. 

"Qu'as-tu en tête ?" demanda-t-elle soupçonneuse. 

Batiste ne lui répondit pas. 

(sujet fait : http://alqualis-rpg.eklablog.com/banquet-prive-topic209345)